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Fin septembre 2024, deux jours ont été consacrés au témoignage du Bol Maker Juol Kor. C’est le 16ème témoin de monter le large escalier qui mène au deuxième étage du tribunal de Stockholm et à la salle d’audience 34 où se déroule depuis un an le procès le plus long de l’histoire de la Suède, qui durera encore un an et demi. Il en restera tout autant à déposer derrière lui jusqu’à début décembre, sans compter les témoignages enregistrés de trois témoins qui seront diffusés début octobre, voix d’outre-tombe de trois plaignants décédés depuis le début. de ce cas exceptionnel.

D’autres témoins plaignants qui l’ont précédé comprenaient d’anciens employés de Lundin Oil affectés aux communications et ont raconté comment les hélicoptères de l’armée nationale soudanaise sont arrivés à la base pour faire le plein. Il y a eu Liah Diu Gatkuoth, un ancien enfant soldat recruté un temps pour protéger les installations pétrolières, qui a raconté au tribunal de Stockholm comment les envoyés de Lundin avaient tenté d’acheter son silence, ce qui a déclenché la réouverture, en juin dernier, d’une enquête contiguë à l’affaire en cours. procès.

Le fabricant de bols sud-soudanais Juol Kor, vêtu d’un costume gris anthracite, est venu spécialement d’Afrique pour le procès. Adolescent au moment des faits, il vivait dans un village situé non loin de la route construite par la compagnie pétrolière suédoise pour accéder au bloc 5A, la zone d’extraction. Le témoin est resté assis devant le président du tribunal Tomas Zander, entouré à gauche par son avocat, à droite par deux interprètes nuer-suédois, reproduisant le schéma de comparution identique depuis que les requérants ont commencé à défiler à la fin du mois dernier. Peut. L’accueil souhaité par le président, sans oublier qu’il est attendu de lui pour rendre compte de ce qu’il a vécu et vu, et non de ce qui lui a été raconté, les questions du procureur qui occuperont la première journée, celles, rare , son avocat et enfin le contre-interrogatoire du défenseur de Ian Lundin, président de la Lundin Oil Company, sur le banc des accusés aux côtés d’Alexandre Schneiter, ancien directeur. Les deux hauts responsables, qui ont plaidé non coupables, sont jugés pour complicité de crimes de guerre commis au Soudan du Sud entre 1997 et 2003.

Des contre-interrogatoires qui, témoin après témoin, mettent en lumière les différences entre les témoignages donnés en 2024 à l’audience et les comptes rendus des interrogatoires menés par les policiers suédois venus les interroger en Afrique lors des investigations. Mais témoin après témoin, la voix des victimes sud-soudanaises pénètre dans la salle d’audience suédoise, en contrepoint d’une stratégie de défense qui s’est concentrée sur deux axes : d’une part, démolir le crédit des auteurs des rapports des ONG qui alertaient sur la situation. dans le « bloc 5A », où Lundin Oil faisait de la prospection pétrolière, ce qui a entraîné des attaques contre les villageois vivant dans la région ; et, d’autre part, d’affirmer que, s’il y a eu des affrontements, ils étaient le résultat d’éternels conflits entre clans et tribus autour de banales histoires de vols de bétail, qui existaient avant Lundin Oil et se poursuivaient après son départ du Soudan du Sud.

« Je vois très bien que les avocats de Lundin tentent de faire croire que les morts, les blessés et les villages incendiés sont le résultat de conflits entre tribus à cause du vol de bétail, qui n’a rien à voir avec la présence de pétrole », s’offusque le Sud-Soudanais. Bol Maker Juol Kor, partie civile au procès de Lundin, venu témoigner en Suède. Photo : ©Olivier Truc

« De l’autre côté du coucher de soleil »

Selon eux, Lundin Oil aurait au contraire tenté de construire un monde meilleur pour ses habitants en construisant par exemple une route et une école. Bol Maker Juol Kor parlera de cette voie. Mais il décrit d’abord les attaques subies par les villageois. A Duar, en 1998, lorsqu’un avion Antonov largue des barils de pétrole qui explosent au sol. «Ils viennent pendant la journée, lorsque le soleil est au zénith.» 17 morts. L’Antonov « vient du soleil ». On parle beaucoup du soleil dans tous les témoignages. Ainsi, alors que quelques jours plus tôt, un autre témoin, Tomas Malual Kap, s’était exprimé par l’intermédiaire d’un interprète depuis une zone contrôlée par les rebelles, « de l’autre côté du coucher du soleil », le président du tribunal, irrité, lui avait expliqué que dans cette salle, en Suède, nous avons parlé de l’Est et de l’Ouest.

Bol Maker Juol Kor raconte, à chaque attaque, sa fuite effrénée vers la forêt bordant le village. « Comment les choses se sont-elles passées cette année-là à Kuach ? », demande la procureure Eva-Marie Häggkvist. Paisible, calme ? » « Non », répond Bol Maker Juol Kor, « ni paisible ni calme. » « Quels problèmes y a-t-il eu ? » » « C’était parce que les Arabes se battaient contre nous. Nous étions objectifs. La raison est que là où nous vivions, il y avait du pétrole, ils voulaient s’en emparer, construire la route qui traversait notre territoire pour accéder au pétrole, et ils ne voulaient pas que nous restions plus longtemps. C’est la construction de cette route qui nous a détruits. » « Pourriez-vous utiliser la route ?  »  » NON.  »  » Pour ça ? » « Nous avions peur parce qu’ils avaient tué les gens qui l’utilisaient.  » « OMS? » « Ces Arabes. »

Son père et sa mère tombent

Il raconte comment les « gunships », hélicoptères volant à basse altitude qui mitraillent, arrivent dans l’ordre. Puis les troupes au sol, les vols de bétail. Une procédure rapportée par d’autres témoins. Bol Maker Juol Kor raconte les trois fois où il a été kidnappé pour devenir soldat, il avait 16 ou 17 ans, trois fois il a réussi à s’échapper. Il raconte l’attaque de 2002, les soldats qui ont abandonné leurs camions et se sont retrouvés à pied, d’autres à cheval, et les tirs. Ce jour-là, son père et sa mère furent tués. Son père, atteint d’une balle dans le dos, sa mère d’une balle dans les jambes, mourut peu après des suites de ses blessures. Il s’enfuit dans la forêt.

Le procureur : « Lors de votre évasion en 2002, avez-vous emprunté la route ? » « Non, pas la route, nous nous sommes réfugiés dans les bois. » Pourquoi pas la route ? » « Nous avions peur, les militaires utilisaient la route ». Questions répétées sous toutes les formes, le procureur tentant de cimenter les faits justement pour que l’accusation tienne, sachant que la défense s’efforcera de semer le doute sur la base des détails. « À quelle distance se trouve le village de la forêt ? » «Ça dépendait, si on s’enfuyait, on pouvait y passer deux ou trois jours». La traduction semble parfois laisser un peu à désirer. « On parlait de distance », s’énerve le président. Combien de temps a-t-il fallu pour rentrer de la forêt ? » « Personne n’avait de montre. Mais ce n’est pas si loin, nous habitons près de la forêt. »

« Qui a écrit ce rapport ? Où habite-t-il ? »

Lorsque l’avocat de Ian Lundin entame le contre-interrogatoire, il est fidèle à la technique utilisée depuis fin mai : chercher la faille pour discréditer l’ensemble du témoignage. Il tentera de savoir combien de personnes vivaient à Kuach. « Je ne peux pas le dire, nous n’avons pas compté les gens. » « Mais est-ce 100, 500, 1000 ? Une citation !? Peut-être pouvez-vous deviner ? » « C’est difficile pour moi d’estimer, j’étais enfant à l’époque »

L’avocat comparera notamment Bol Maker Juol Kor avec des rapports rédigés par des employés d’entreprises de sécurité ayant travaillé pour Lundin. Ils décrivent la situation de la région et les avantages que la route apporte au commerce local. Extrait après extrait, qui tend à démontrer que le témoignage de Bol Maker Juol Kor ne correspond pas à la réalité décrite par les reportages, le plaignant va entraîner l’avocat dans son propre piège.

À un moment donné, le rapport parle de la route qui traverse un village que l’avocat décrit comme étant Bol Maker Juol Kor. « Ce texte ne concerne pas Kuach », ont déclaré calmement les Sud-Soudanais. « C’est la route qui traverse ton village ! » » s’énerve l’avocat. «Je voudrais demander qui a rédigé ce rapport», répond le plaignant. Où habite-t-il ? À Kuach, à Bentiu ? Cela mérite d’être clarifié… ». L’avocat continue de projeter des extraits des rapports de Lundin Oil sur les quatre écrans muraux. Le Juol Kor Bowl Maker ne peut pas être démonté. « Ce n’est pas bien. Qui a écrit ce rapport ? J’y étais aussi, personne n’utilisait cette route. Existe-t-il une vidéo de personnes empruntant cette route dans mon village ? »

Lors d’une pause le deuxième jour, le Bol Maker Juol Kor a exprimé son ressenti à Justice Info : « Tous ces rapports rédigés par les salariés de l’entreprise, comment peuvent-ils y croire ? Et puis je vois très bien ce que tentent de faire les avocats de Lundin, faire croire que les morts, les blessés et les villages incendiés sont le résultat de conflits entre tribus à cause de vols de bétail, qu’ils n’ont rien à voir avec la présence de huile.

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