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« Le vote unanime sur le projet d’édit [reconduisant la Commission provinciale vérité, justice et réconciliation, CPVJR] cela reflète sans doute l’appropriation par les députés provinciaux de la justice transitionnelle, entendue comme une politique publique visant à gérer le passé douloureux et tumultueux de la RDC en général et du Kasaï Central en particulier. félicité la Société Congolaise pour l’Etat de Droit (SCED), une ONG basée à Kananga, capitale du Kasaï-Central, au centre de la République démocratique du Congo (RDC), le 19 juillet. Tout en recommandant que la commission vérité clôture « rapidement » la phase préparatoire pour passer à l’action.

Après l’expiration de son mandat de trois ans le 15 juillet, la commission a été prolongée par l’assemblée provinciale du Kasaï central le 18 juillet. L’édit provincial qui a créé ce CPVJR, le 15 juillet 2021, lui a confié la mission « d’établir la vérité sur les violences perpétrées lors du conflit de Kamuina Nsapu ». Ces affrontements entre milices fidèles au chef traditionnel Kamuina Nsapu et forces de sécurité dans la région du Kasaï ont fait plus de 3 000 morts et près de 2 millions de déplacés entre 2016 et 2017, selon l’ONU. Les commissaires du CPVJR n’ont cependant prêté serment que le 16 août 2022 par le gouverneur de l’époque, John Kabeya.

De la part de la Coalition des mouvements citoyens, un regroupement d’organisations de la société civile du Kasaï Central, nous pensons également que la prolongation du mandat du CPVJR est une bonne nouvelle. Toutefois, Albert Mbelenge, membre de la coalition représentant l’ONG Lucha (Lutte pour le changement), souligne par téléphone que les travaux de la commission restent inachevés. Beaucoup reste à faire, notamment en matière de réconciliation des communautés, souligne-t-il. Albert Kyungu, coordinateur du Conseil régional des ONG pour le développement (CRONGD), n’hésite pas non plus à souligner les mauvais résultats de la commission. Pour lui, la responsabilité est partagée entre le gouvernement provincial qui n’a pas alloué suffisamment de fonds et la commission qui n’a pas su les mobiliser. « L’exécutif n’a pas mis les moyens à disposition », confie-t-il, sans épargner les commissaires : « Il y a un problème de gestion ou de leadership. Ils disposent d’une autonomie de gestion. Ils peuvent également mobiliser des fonds. Ils ont une certaine responsabilité. »

Une commission ferme

La commission a été créée à la suite de consultations nationales sur la justice transitionnelle qui ont eu lieu dans quatorze provinces du pays. Au Kasaï-Central, ces a eu lieu en août 2019en collaboration avec le Bureau commun des Nations Unies aux droits de l’homme. Mais son travail fait l’objet d’interrogations à Kananga et dans toute la province. Les douze commissaires – ou les « douze apôtres », comme on les surnomme – ne sont pas exempts de critiques. Le président, Monseigneur Augustin Loko Fwamba, et son équipe sont accusés de ne rien faire. «Je ne vois pas à quoi sert cette commission», déclare un avocat de Kananga qui a requis l’anonymat.

Dans son premier rapport couvrant les années 2022 et 2023, le seul produit, la commission a examiné ses activités administratives. Concernant les activités pour lesquelles il a été créé, telles que la recherche de la vérité, l’accompagnement des victimes, les réparations, la sensibilisation et la réconciliation, le rapport précise : « RAS à ce stade ». Rien à signaler. Il en va de même pour les activités des centres d’écoute qui devraient être installés dans les cinq territoires de la province (Demba, Dibaya, Dimbelenge, Kazumba, Luiza). Encore une fois, la commission n’a rien fait.

Moins de 10% du budget annoncé

Comment l’expliquer ? « L’édit a été promulgué le 15 juillet [2021]. Il a fallu attendre une année entière, car il n’y avait pas de gouverneur, pour investir les commissaires », explique à Justice Info le rapporteur du CVPJR, Dominique Kambala. A cela s’ajoute le fait que la Commission ne disposait pas d’infrastructures au moment de sa création, encore moins « d’outils stratégiques pour son fonctionnement », comme un règlement intérieur, un manuel de procédures, un plan d’action global et une stratégie d’intervention. Kambala évoque également des difficultés liées au financement. Le gouvernement provincial n’a pas fourni les fonds espérés. Sur le budget triennal annoncé de 216 millions de francs congolais (77 000 dollars), la commission n’a reçu que 20 millions de francs (7 000 dollars). Soit moins de 10 %. Selon Kambala, « l’exécutif provincial n’a pas respecté ses engagements ».

« Pour quels emplois les commissaires devraient-ils être payés ? Devez-vous payer des frais pour développer vos propres outils ? » demande l’avocat anonyme de Kananga, avant d’affirmer : « Prendre plus d’un an rien que pour développer ses propres outils signifie simplement que le travail a été mal planifié. »

Pour ces activités, la commission compte sur le soutien de partenaires techniques et financiers externes, notamment l’ONG suisse Trial International et l’Office des Nations Unies. Ceux-ci fournissent des fonds pour organiser des ateliers, des formations et des activités de sensibilisation. Ils partagent également leur expérience en matière de justice transitionnelle. Mais pour le rapporteur de la Commission, l’État doit cesser de dépendre de ces partenaires et prendre ses responsabilités. « On ne peut pas laisser un secteur aussi important que la justice, un secteur de souveraineté, entre les mains des partenaires techniques et financiers. L’État abandonne ses responsabilités», déplore-t-il. Justice Info a tenté en vain d’obtenir l’avis du président du parlement central du Kasaï.

La faiblesse de l’État

La commission est normalement financée par le budget provincial, mais espère également un financement du gouvernement central. Pour Kambala, Kinshasa doit « réviser à la hausse la ligne budgétaire allouée à la justice ». Une déclaration du Conseil des droits de l’homme du 9 octobre 2023 appelle également le gouvernement congolais à apporter son soutien au CPVJR.

« Nous déplorons toutefois la faiblesse des moyens humains, financiers et matériels mis à la disposition du CPVJR pour mener efficacement son mandat. Toutefois, nous restons convaincus que le succès du CPVJR rendra encore plus crédible la poursuite des processus de mise en œuvre des mécanismes de justice transitionnelle dans d’autres provinces. Malgré ces défis importants, les progrès réalisés dans la province du Kasaï central et au niveau national confortent l’idée que l’approche complémentaire est la bonne », a noté l’équipe d’experts des Nations Unies en RDC dans son communiqué.

Même si le mandat du CPVJR a été prolongé, la commission affirme vouloir aller de l’avant. « Nous espérons être à la croisée des chemins entre la fin de la phase préparatoire, qui est imminente, et le début effectif de la phase opérationnelle », précise Kambala.

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