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Le long procès contre deux dirigeants de la compagnie pétrolière suédoise Huile de Lundin entre dans une nouvelle phase. Après la présentation des faits par le parquet, puis par les défenseurs des parties civiles et ceux de la défense, c’est désormais au tour des témoins. Une première vague défilera pendant six mois dans la salle 34 du deuxième étage du palais de justice de Stockholm. Une deuxième vague suivra de février à novembre 2025. Mais avant d’entendre pour la première fois la voix des victimes, le procès a connu une importante bataille sur les preuves.

Durant les cinq mois où les avocats suédois de Ian Lundin, ancien président suédois de Lundin Oil, et d’Alexandre Schneiter, ancien PDG suisse, se sont relayés au barreau, ils ont tenté de discréditer certaines des sources utilisées par le procureur, qu’il s’agisse des auteurs de rapports d’ONG présentés comme destinés à mobiliser l’opinion et non comme preuve dans un procès, ou de journalistes présentés comme ne recoupant pas suffisamment leurs sources, s’appuyant sur les rapports des ONG ou travaillant parfois pour ces mêmes ONG. La défense a également estimé que le procureur lui-même n’était pas suffisamment précis pour justifier des accusations de complicité dans des crimes de guerre au Soudan, en raison du manque de détails sur les auteurs présumés des crimes, les lieux et les dates auxquels ils auraient été commis.

Contrairement à l’accusation, qui décrit un conflit armé entre le gouvernement de Khartoum et les rebelles sud-soudanais du SPLA pour le pétrole et l’indépendance, les avocats ont soutenu qu’il n’y avait pas de conflit entre l’armée gouvernementale et le SPLA dans le « bloc 5A » lorsque Lundin Oil y opérait. . Si des combats avaient éclaté dans cette zone, cela n’aurait pas eu lieu selon la défense causés par le pétrole mais les conflits interethniques, le plus souvent liés au vol de bétail, qui existaient avant la présence de Lundin dans cette zone, se sont poursuivis pendant sa présence entre 1997 et 2003 et après son départ, ainsi que depuis l’indépendance du Soudan du Sud en 2011.

En affirmant cela, la défense a tenté de relativiser les actions des groupes armés qui pourraient lui faire face. « Même si certains d’entre eux sont désignés comme ‘alliés du régime’, nous savons très peu de choses sur ces groupes », a minimisé l’un des avocats.

Des relations à double tranchant

Face à ces deux axes de défense, discrédit et minimisation, le ministère public a adopté une stratégie de contre-attaque inattendue. Au lieu de tenter de répondre point par point aux accusations portées par des sources d’ONG ou des articles de presse, il a cherché dans les sources de la défense elles-mêmes les éléments pour reprendre l’offensive. Il s’agit de rapports émanant de sociétés de sécurité engagées par Lundin ou d’autres sociétés actives dans la région, rapports en possession du procureur de la République. déjà partiellement utilisé cet automnequ’il a analysé pour fournir de nouvelles preuves.

Ces documents proviennent de perquisitions effectuées en janvier 2018 dans les bureaux de Lundin Oil et au domicile des frères Ian et Lukas Lundin, à Genève. Ils comprennent des rapports de sécurité interne et des lettres de Christina Batruch, responsable du département Corporate Responsibility de Lundin Petroleum à Genève. Selon le procureur, cela montre que les loyautés entre les milices et les principaux acteurs, le gouvernement soudanais et la rébellion SPLA, étaient en constante évolution. En outre, selon le procureur, ces rapports internes indiquent que le pétrole a joué un rôle déterminant dans l’escalade du conflit.

« Jusqu’en 1997, rappelle le procureur Henrik Attorps, le bloc 5A était relativement épargné par la guerre civile. La situation dans le bloc 5A a changé lorsque les représentants du peuple Nuer ont estimé que le régime soudanais ne respectait pas l’accord de paix de Khartoum (KPA) signé en 1997″, au moment même où Lundin Oil est arrivé aujourd’hui dans cette zone opérationnelle, désormais située au Soudan du Sud. Selon cet accord, l’armée soudanaise n’était pas censée opérer au sud du fleuve Bahr El-Ghazal, dans la partie la plus septentrionale du bloc 5A. Lorsqu’il le traversait, cela était considéré comme une intrusion dans le territoire sud. D’où le début de l’escalade et des conflits de milices entre le SPLA et le gouvernement de Khartoum.

« Le Groupe de Contrôle des Risques [une société de sécurité]citant le procureur, il a déclaré dans son analyse sécuritaire du 29 juillet 1998 que la stratégie du régime [de Khartoum] La sécurisation des champs pétroliers repose en grande partie sur un plan [gouvernemental] appelé Paix de l’intérieur » qui se divise en deux phases, avec un premier puis un deuxième accord avec différents groupes rebelles du Sud, « qui constituent, poursuit le procureur, une stratégie de « diviser pour mieux régner ». Un autre rapport de sécurité, daté du 1er mai 1998, est encore plus précis, indiquant que « les forces SSDF [South Sudan Defence Forces, pro gouvernementales, créées dans le cadre de l’accord de 1997] négocier le contrôle de la zone d’exploitation de la société et donc de ses futurs revenus pétroliers. Pour le procureur de la République, ces informations indiquent l’implication de groupes armés dans ce qu’il appelle en anglais « war by proxy ». [une guerre par procuration] dont l’objectif est le contrôle des revenus pétroliers et non la vengeance clanique provoquée par le vol de bétail.

Défections et renversements

Dans un autre rapport intitulé « Conflict Survey and Mapping Analysis » publié dans Août 2002 de l’Unicef, du PNUD et du ministère soudanais de l’Enseignement supérieur, souvent cités par la défense ces derniers mois, le procureur a également demandé des informations pour étayer la même thèse. « L’armée, précise le procureur, s’appuyant sur les conclusions de ce rapport, entre dans la région en violation de l’accord de paix, après la découverte de pétrole par Soudan Ltd. [dont Lundin Oil est l’un des propriétaires] en avril/mai 1999. Les actions de l’armée dans le bloc 5A visaient à permettre aux sociétés de mener leurs opérations pétrolières sous le contrôle du régime. Chefs de milices alliés du régime [de Khartoum, au nord] sont favorables aux opérations pétrolières et à la société Lundin, tandis que les rebelles [affiliés au SPLA sud-soudanais] ils sont fermement opposés aux opérations pétrolières sous le contrôle du régime.

Les défections et les renversements d’alliances se multiplient, de nouveaux groupes armés nés de scissions apparaissent. Difficile, au vu de cette nouvelle, de dire que le calme régnait dans le bloc 5A. Contrairement à ce qu’affirme la défense, les rapports internes de la société Lundin sont, selon le procureur, remplis de détails précis sur ces groupes, leurs commandants, leurs appartenances, dont ils fournissent une chronologie détaillée. Autant d’indications qui n’auraient guère pu être ignorées par les dirigeants de Lundin. « Le système de gouvernement [de Khartoum] a, en raison du changement de loyauté intervenu en 2002, déployé des troupes plus régulières dans le bloc 5A, a poursuivi le procureur. Compte tenu de l’importance économique du pétrole et de la possibilité de tirer des revenus futurs du bloc 5A, le régime fera tout ce qui est en son pouvoir pour consolider et étendre son contrôle militaire sur les zones productrices de pétrole.

Pour le procureur, ce « tout en son pouvoir » lie l’exploitation pétrolière aux crimes de guerre, et sonne comme une transition dramatique vers les scènes de destruction décrites par des témoins sud-soudanais qui commencent ces derniers jours – ici pour défiler devant le public. Tribunal de Stockholm.

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