Boubou ou costume trois pièces flambant neuf tout droit sorti du tailleur – à l’exception des vêtements des prévenus, les jours se succèdent et s’apparentent à la fin du procès du massacre du 28 septembre. En procès depuis vingt et un mois, onze prévenus – un ancien chef de l’Etat et des hauts responsables de son régime putschiste – doivent répondre de la répression d’un meeting de l’opposition dans un stade de la capitale guinéenne le 28 septembre 2009. Le bain de sang a fait plus de victimes. plus de 150 morts et plus d’une centaine de femmes violées.
Le 27 mai 2024, la défense a commencé sa défense. Une vingtaine d’avocats représentent les prévenus. Ils sont déjà une quinzaine à avoir pris position. Salifou Béavogui, avocat de l’assistant Mamadou Aliou Keita, a été l’un des premiers convoqués par le président du tribunal. Devant les magistrats, dos au public, le conseil nie les faits reprochés à son client. Selon lui, il n’a pas violé Mme Aissatou Barry, l’une des victimes emblématiques de cette affaire. » Il y a une erreur à propos de cette personne. ETIl a dû apercevoir Mamadou Aliou Keita de loin. Mais cependant, il ne peut pas aller devant un tribunal, devant un tribunal criminel. Parole contre parole, Cela ne peut pas arriver, ce n’est pas possible. Mamadou Aliou Keita sera acquitté », assure-t-il, préfigurant la ligne de défense des avocats qui se succéderont à la barre. Ils clament tous l’innocence de leurs clients.
Ici revient le souvenir de l’avocat de Blaise Goumou, ancien membre des services spéciaux, considéré comme un bourreau. Le gendarme est soupçonné d’avoir participé au massacre du stade et le procureur de la République a requis la perpétuité contre lui. L’argument de MEt Yaramo-Cé Saolomou développe plusieurs thématiques que ses confrères continueront d’explorer par la suite. Il dénonce l’illégitimité de la requalification des faits en crimes contre l’humanité, demandée par le parquet et sur laquelle le tribunal a décidé de se prononcer seulement au moment du verdict. Un reclassement que certains juristes envisagent » opportuniste » et qui démontre, selon eux, l’absence de preuves au dossier. « Le procureur doit avoir le courage, l’honnêteté intellectuelle et même professionnelle de reconnaître son échec. La loi elle-même donne la possibilité de demander la disculpation lorsqu’il est établi qu’il n’existe aucun élément, aucune preuve susceptible d’établir la culpabilité de l’accusé. » déclare M. d’un ton péremptoireEt Saolomou.
Victimes accusées
Face à ce dossier, qu’ils estiment pas suffisamment solide, de nombreux avocats estiment que la condamnation de leur client résulterait d’un « chasse aux sorcières « . Certains font référence au procès contre Laurent Gbagbo et Charles Blé-Goudé, l’ancien président ivoirien et ancien ministre de la jeunesse jugés et acquittés devant la Cour pénale internationale (CPI). MEt Saolomou appelle ainsi le tribunal à la raison : « A l’image des juges de la Cour pénale internationale qui se sont laissés guider exclusivement par le droit pour rétablir la vérité historique à travers l’acquittement de ces deux accusés, vous pourrez faire de même, Monsieur le Président. » Pour appuyer ses affirmations, le Conseil brandit le tabou de ce procès inédit en Guinée : l’affaire a une dimension ethnique. » Il y a ceux qui pensent que ce processus est dirigé contre une communauté », dit-il, laissant entendre qu’une condamnation confirmerait cette opinion. « La décision de la Cour ne doit avoir aucune finalité communautaire, ethnique, régionaliste ou religieuse. », conclut-il.
Dans le même esprit, MEt Pépé Antoine Lamah, avocat de Moussa Dadis Camara, chef de l’Etat au moment du massacre, dénonce un procès politique. » Puisqu’il faut juger pour juger, éventuellement prononcer des peines, parce qu’il faut procéder à la mise en œuvre d’un projet politique qui, pour certains, s’inscrit dans le cadre de la réconciliation nationale, c’est pour cela que nous soutenons tout cela. . Sinon, si nous voulons avoir un procès sérieux, nous voulons vraiment rechercher les responsables. » Elle accuse certaines victimes d’avoir menti, de s’être enrichies, comme Avipa, l’association des victimes, proches et amis du 28 septembre. » Demandez à cette ONG de faire le bilan de ses activités de 2010 à aujourd’hui, vous verrez les traces de milliards ! Pendant que les vraies victimes sont là, souffrant, les autres empochent des milliards, construisent des maisons, envoient leurs enfants étudier dans de grandes écoles à l’étranger. « , affirme-t-il. Mais ces attaques dirigées contre les parties civiles sont poussées à leur paroxysme par un autre avocat de Dadis, M.Et Jean-Baptiste Jocamey Haba.
La théorie du complot
Celui-ci bat tous les records, monopolisant le théâtre pendant plus de trois jours. Aux commandes, il aborde l’affaire dans les moindres détails, développant comme jamais le thème du complot. Selon lui, le massacre a été organisé par les ennemis de Dadis pour le renverser. Il fallait mettre de côté cet homme qui gênait. prédateurs marinséconomie guinéenne « , parce qu’il s’en était pris aux trafiquants de drogue, à la corruption, aux intérêts occidentaux… Le 18 juin, lors de son deuxième mandat à la tête du pays, il est allé encore plus loin. Il dénonce le rôle joué, dit-il, par la France et cite des personnalités qui auraient avaient intérêt à éliminer Dadis : Bernard Kouchner, alors ministre français des Affaires étrangères, le président français Nicolas Sarkozy et l’opposant guinéen Alpha Condé.
La théorie se précise, mêlant des faits avérés – les anciens liens d’amitié entre Kouchner et Condé – à des suppositions simples. L’avocat voit ainsi le départ de Condé, la veille de la manifestation, comme une preuve de son implication. Il savait qu’un massacre allait avoir lieu et est parti se réfugier à l’étranger, estime la municipalité. L’avocat présent ici fait écho aux rumeurs qui circulent depuis des années à Conakry, sans apporter d’autres preuves. Selon ces rumeurs, les dirigeants politiques guinéens et leurs alliés auraient sciemment organisé leur réunion pour provoquer le massacre et déstabiliser Dadis. C’est un peu de musique qu’on entendait souvent pendant le procès, du côté de la défense. Ces dirigeants politiques seraient les véritables responsables du bain de sang qu’ils ont provoqué par leurs provocations. Par ce jeu de renversement, l’avocat rejette la responsabilité du crime sur les victimes.
Le procès peut-il se conclure avant le mois d’août et les jours fériés judiciaires, comme l’espère le président du tribunal ? Tout dépendra du passage des derniers avocats de la défense. Ils sont une demi-douzaine à ne pas s’exprimer, dont les conseils d’Aboubacar Diakité, dit « Toumba », ancien aide de camp de Dadis qui accuse son ancien patron d’avoir ordonné le massacre. Ils pourraient décider, en répondant à MEt Haba, sois toujours à la barre des témoins pour équilibrer les temps de parole.
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